LE LIVRE de la SAGESSE

 

boule_vert.gif (914 octets) Le domaine de la sagesse.

L’examen de la sagesse ne doit pas se limiter à celui des livres sapientiaux. A l’instar du timonier qui sait diriger sa barque pour arriver à bon port malgré tempêtes et récifs, la sagesse est fondamentalement l’art du discernement pour faire apparaître ce qui favorise la vie, ou au contraire mène à la mort. Elle s’applique à tous les domaines du réel et se situe dans une perspective religieuse.

Parmi les sages, en première place se tient le roi. Plusieurs textes de l’Ancien Testament mettent en avant cette facette de la sagesse qui se veut en harmonie avec la sagesse divine. (Gn 41). Mais attention ! La foi Yahviste dénoncera le danger d’aboutir à une divinisation pure et simple du roi. Des événements (erreurs, abus de privilèges) démontrent qu’un fossé peut exister entre sagesse royale et sagesse divine. Le discernement ne doit pas avoir pour règle l’astuce afin de renforcer le pouvoir, mais la fidélité aux commandements de Dieu, dans la soumission confiante à Dieu nommée "crainte de Dieu". (2 S 11-18).

La sagesse se heurte à deux problèmes: celui de la mort que nul ne peut empêcher, celui de la souffrance qui s’acharne sans distinction sur le sage ou sur l’insensé.

- Face au problème de la mort, le véritable sage accepte avec lucidité les limites de la condition humaine. Si la Bible s’enracine dans le fatalisme précoce du Proche Orient ancien (récit de Gilgamesh), elle rejette le pessimisme et fait une brèche dans le fatalisme : le sage est celui qui reçoit le monde mis à sa disposition comme un don divin et accueille les préceptes de Dieu (Gn 2-3).

- Face au problème déroutant de la souffrance, la foi d’Israël reprendra à son compte des conclusions de sagesses étrangères: il est illusoire de penser entrevoir quoi que ce soit de la sagesse divine. Ce qui l’en distingue tient dans l’adoption d’une attitude de "crainte de Dieu" afin de ne pas glisser vers une désillusion stérile. (Qohélet - Job 28).

Si la sagesse est une don de Dieu, il n’en reste pas moins qu’elle est en même temps une qualité humaine, accessible à l’homme et perfectible par l’apprentissage, par l’expérience personnelle.

 

boule_vert.gif (914 octets) Un art universel mis au service de la Foi.

Le terme hébreu hokma désigne une capacité de l’homme, innée ou acquise, à bien conduire sa vie. La sagesse est donc à la fois un savoir, un savoir faire (qualité attribuée aux artisans dans des textes bibliques Ex 35, 31-35) et un savoir être.

La pauvreté du langage rationnel fait que pour l’exprimer on emploie le langage poétique, pour que celui qui écoute sente plus qu’il ne comprend : le proverbe, le plus souvent composé de 2 stiques utilisant le parallèle antithétique. Les proverbes utilisent souvent des termes relatifs aux organes des sens, la comparaison. (consulter Pr 10 - 22, 16 et 22, 17 - 23, 11).

En Israël, la sagesse surgit du milieu terrien, agricole, familial ; mais à l’époque de Salomon s’ouvrent des écoles de scribes , lesquels vont puiser leurs enseignements dans ce vieux fond de sagesse populaire. L’expérience leur apprend que la sagesse de l’homme ne peut résoudre tous les problèmes, que celle de Dieu est la suprême sagesse. La réflexion des sages se porte davantage sur les rapports de la sagesse et de la foi, la sagesse devenant elle-même une forme de la foi en Dieu : la crainte de Dieu devient sagesse. (Pr 11, 1 ; 15, 18 ; 16, 11) " Par la crainte de Dieu, on évite le mal " (11, 6).

 

boule_vert.gif (914 octets) La sagesse royale.

Le 10ième siècle voit apparaître en Israël, avec Saül, la monarchie crée selon le modèle des cités-états de Canaan. Ceci ne s’est pas fait sans opposition (1 S 8). A l’époque de David, on constate une prédominance de l’armée, la place des prêtres est secondaire. A l’époque de Salomon, les prêtres prennent la première place. On passe d’une société dirigée vers la guerre à un état technocrate structuré qui s’ouvre aux idées et à la littérature des peuples voisins : l’influence de l’Egypte est alors importante par le biais de la cité-état jébusite de Jérusalem longtemps assujettie aux Egyptiens. Dans le Proche Orient ancien, chez les voisins d’Israël, le roi est " le choisi ", il recevait des dieux la sagesse, le savoir et la connaissance.

- En Egypte, pharaon est considéré comme le fils du Dieu dynastique, il possède Maat, la sagesse. Dans un pays illettré, les scribes, conseillers du pharaon, sont les maîtres à penser et certains connaissent une notoriété hors frontières (Imhotep vers 2700).

- En Mésopotamie, le roi, même s’il est un usurpateur, se présente comme étant de race royale. Chargé de faire exister une société juste, le roi doit veiller à l’amélioration des diverses techniques qui faciliteront la vie des hommes et apparaît donc comme un don de la divinité.

En Israël, le roi participe à la sagesse divine. Les textes bibliques qui évoquent favorablement la sagesse royale datent de l’époque monarchique (10ième - 8ième siècle) : on peut citer 2 S 14, 1 R 3-10 (dont le fameux jugement de Salomon en 1 R 3, 16-28) et les oracles d’Isaïe. Comme en Egypte, les conseillers royaux sont présentés comme des sages.

 

boule_vert.gif (914 octets) Contestation de la sagesse royale.

Ce qui est mis en cause c’est le principe d’une sagesse politique se donnant à elle même ses propres critères. Dès le 10ième siècle, on perçoit une pensée inspirée par le Yahvisme mettant en cause la sagesse gouvernementale lorsqu’elle a pour règle l’astuce. Elle apparaît dans les écrits donnés justement comme des documents de légitimation de la royauté (récits de la succession de David [exemple de 2 S 14 où les astuces de David ne sont pas appréciées par le Seigneur] ou récit du règne de Salomon [1 R 8 - 11]). Autre exemple en Gn 48, 17 - 19 où l’astuce égyptienne doit s’incliner devant les élus du Seigneur.

Les prophètes mettent en cause l(agir des sages, des notables et des rois. C’est le cas d’Amos, d’Isaïe, d’Ezéchiel. Isaïe est le plus marqué par le milieu des sages, déçu par les gouvernements, il vitupère, dénonce l’hypocrisie de l’Egypte ; prenant conscience de la présence active de Dieu, il est le premier à affirmer que Dieu est sage. Il se met à imaginer le roi de demain et resitue la sagesse royale dans sa fonction : réaliser parmi les hommes la crainte de Dieu qui seule peut permettre un gouvernement juste.

La chute de Jérusalem sonne le glas de la royauté en Israël, la sagesse perd toute relation avec le monde politique. La réflexion prend du recul : le Dieu d’Israël est aussi le maître et le créateur de l’histoire. Le second Isaïe exprime cette vision d’une sagesse qui est l’intelligence supérieure par laquelle Yahvé crée et gouverne l’univers. Le souverain ne la possède plus comme une prérogative mais doit la chercher, creuser pour connaître la sagesse.

 

boule_vert.gif (914 octets) La sagesse et la mort.

En Egypte, la mise en cause de la sagesse dans sa capacité de conduire avec succès au bonheur apparaît lors de la période 2270 - 2050. Face à la mort inévitable, l’attitude recommandée est de vivre quand même : profiter des bons jours, jouir de la vie.

En Mésopotamie, l’échec devant la mort est présenté au début du 2ième millénaire sous la forme d’un affrontement sans issue entre le désir de l’homme et la volonté des dieux. L’épopée de Gilgamesh construite autour du thème " les dieux vivent toujours, pourquoi pas l’homme " montre la limite infranchissable que les dieux ont imposée aux hommes. Et quand l’homme parvient à avoir le secret des dieux à portée de sa main, il n’est pas capable de le reconnaître (Gilgamesh se fait voler la plante acquise au prix de tant de peines).

Dans l’Ancien Testament, Gn 2 - 3 témoigne d’une réflexion qui semble prolonger celle du grand poème de Gilgamesh, à la lumière de la foi Yahviste. Une vie heureuse est un don de Dieu à recevoir comme tel, ce qui implique la reconnaissance de Sa Sagesse comme règle de vie. Le serpent recommande : une sagesse qui permettrait à l’homme d’être comme les dieux (Gn 3, 5.22). Mais l’homme ne trouve au bout du compte que lui même, avec toute sa fragilité et les difficultés de sa condition mortelle. La quête d’un savoir universel peut conduire à la désillusion, l’idée de devenir comme Dieu n’est que sottise. La seule vrai sagesse est celle qui reconnaît comme règle de vie la Sagesse de Dieu. Entre la démesure d’une sagesse humaine qui se voudrait divine et la désillusion de cette sagesse quand elle se heurte à ses limites, il reste la voie de la foi et de l’espérance, celle de la confiance faite à une Sagesse Divine qui reste impénétrable., sans être totalement inconnaissable ni inconnue.

 

boule_vert.gif (914 octets) La Sagesse et la souffrance.

Les sages sumériens enseignaient que les malheurs de l’homme sont le résultat de ses péchés. Le seul recours efficace est de glorifier son Dieu. A Babylone, les mythes présents maintiennent l’adéquation souffrance = châtiment. Hors du Moyen - Orient, du 6ième au 4ième siècles, les tragiques, en Grèce, conseilleront la résignation.

Ces différents courants ont constitué un trésor dans le quel l’auteur du livre de Job au 5ième siècle a largement puisé pour poser la question de la souffrance injustifiée. Job se plaindra à Dieu lui-même, c’est avec son Dieu qu’il veut débattre, un Dieu auquel il affirme avoir toujours été fidèle et auprès de Qui il sait pouvoir trouver réponse. Par la méditation du monde créé, Job reconsidère tout ce qui le relie à Dieu, redécouvre les intentions d’une Sagesse divine qui le dépasse et le déborde de toute parts. Il comprend que l’homme ne peut découvrir cette sagesse en explorant la terre, à aucun des niveaux de l’univers, lui qui ne peut d’un seul regard en saisir la totalité. La seule sagesse est la crainte de Dieu.

 

boule_vert.gif (914 octets) Au seuil de la Sagesse personnifiée.

L’expérience de l’exil oblige le peuple d’Israël à s’engager dans une voie originale : comment se fait-il qu’Israël, peuple aimé de Dieu, soit tombé et n’ait plus d’existence ?

Les 9 premiers chapitres du Livre des Proverbes témoignent. La sagesse est un don de Dieu, si on pouvait être sage par soi même, Dieu par le fait serait éliminé. La sagesse est un don opérant, pour obéir à la Loi. Mais pour avoir la sagesse, il faut obéir à la Loi. Il y a là une sorte de contradiction, d’énigme. " Acquiers la sagesse, acquiers l’intelligence ... principe de la sagesse : acquiers la sagesse ". (Pr 4, 5.7).

La sagesse n’est pas l’apanage d’une caste, elle est indispensable à tout le peuple ; l’éducation permettra que tous aient la crainte de Dieu et respectent la Loi, elle fait en sorte que le don de la sagesse soit reçu. Pour que le jeune à éduquer puisse discerner le vrai du faux, il lui faut quelque chose qui vienne de Dieu même (mensonge et vilenie sont au cœur de l’homme) et pénètre en lui pour le transformer : on lui proposera le recueil des Proverbes. La sagesse a une consistance, c’est une réalité " quelque chose " qui vient en l’homme, mais qui n’est pas l’homme, qui vient de Dieu, mais n’est pas Dieu.

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Extrait du Cahier Evangiles N° 28
"Aux racines de la sagesse "