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       Le domaine de la sagesse.
    Lexamen de la sagesse ne doit pas se limiter à
    celui des livres sapientiaux. A linstar du timonier qui sait diriger sa barque pour
    arriver à bon port malgré tempêtes et récifs, la sagesse est fondamentalement  lart du discernement pour faire
    apparaître ce qui favorise la vie, ou au contraire mène à la mort. Elle sapplique
    à tous les domaines du réel et se situe dans une perspective
    religieuse.
    Parmi les sages, en première place se tient le  roi. Plusieurs textes de lAncien Testament
    mettent en avant cette facette de la sagesse qui se veut en harmonie avec la sagesse divine. (Gn 41). Mais
    attention ! La foi Yahviste dénoncera le danger daboutir à une divinisation pure
    et simple du roi. Des événements (erreurs, abus de privilèges) démontrent quun
    fossé peut exister entre sagesse royale et sagesse divine. Le discernement ne doit pas
    avoir pour règle lastuce afin de renforcer le pouvoir, mais la fidélité aux
    commandements de Dieu, dans la soumission confiante à Dieu nommée "crainte de Dieu". (2 S 11-18).
    La sagesse se heurte à deux problèmes: celui de la  mort que nul ne peut empêcher, celui de la
    souffrance qui sacharne
    sans distinction sur le sage ou sur linsensé.
    
      
        - Face au problème de la mort, le véritable sage accepte avec
        lucidité les limites de la condition humaine. Si la Bible senracine dans le fatalisme
        précoce du Proche Orient ancien (récit de Gilgamesh), elle rejette
        le pessimisme    et fait une brèche dans
        le fatalisme : le sage est celui qui
        reçoit le monde mis à sa disposition comme un don divin et accueille les préceptes de
        Dieu (Gn 2-3).
        - Face au problème
        déroutant de la souffrance, la foi dIsraël reprendra à son compte des conclusions de sagesses
        étrangères: il est illusoire de penser entrevoir quoi que ce soit de la sagesse divine.
        Ce qui len distingue tient dans ladoption dune attitude de "crainte
        de Dieu" afin de ne pas glisser vers une désillusion stérile. (Qohélet - Job 28).
        
      
    
    Si la sagesse est une don de Dieu, il nen reste
    pas moins quelle est en même temps une qualité humaine, accessible à lhomme
    et perfectible par  lapprentissage, par lexpérience personnelle.
      
      Un art
    universel mis au service de la Foi.
    Le terme hébreu hokma désigne une capacité de
    lhomme, innée ou acquise, à bien conduire sa vie. La sagesse est donc à la fois
    un  savoir, un savoir faire (qualité attribuée aux
    artisans dans des textes bibliques Ex 35, 31-35) et un
    savoir être.
    La pauvreté du langage rationnel fait que pour lexprimer on
    emploie le langage poétique, pour que celui qui écoute sente plus quil ne
    comprend : le  proverbe,
    le plus souvent composé de 2 stiques utilisant le parallèle antithétique. Les proverbes
    utilisent souvent des termes relatifs aux organes des sens, la comparaison. (consulter Pr
    10 - 22, 16 et 22, 17 - 23, 11).
    En Israël, la sagesse surgit du milieu terrien, agricole,
    familial ; mais à lépoque de Salomon souvrent des écoles de  scribes , lesquels vont puiser leurs
    enseignements dans ce vieux fond de sagesse populaire. Lexpérience leur apprend que
    la sagesse de lhomme ne peut résoudre tous les problèmes, que celle de Dieu est la
    suprême sagesse. La réflexion des sages se porte davantage sur les rapports de la
    sagesse et de la foi, la sagesse devenant elle-même une forme de la foi en Dieu : la
    crainte de Dieu devient sagesse.
    (Pr 11, 1 ; 15, 18 ; 16, 11) " Par la crainte de Dieu, on évite le
    mal " (11, 6).
      
      La sagesse royale.
    Le 10ième siècle voit apparaître en Israël, avec Saül,
    la monarchie crée selon le modèle des cités-états de Canaan. Ceci ne sest pas
    fait sans opposition (1 S 8). A lépoque de David, on constate une prédominance de
    larmée, la place des prêtres est secondaire. A lépoque de Salomon, les
    prêtres prennent la première place. On passe dune société dirigée vers la
    guerre à un état technocrate structuré qui souvre aux idées et à la
    littérature des peuples voisins : linfluence de lEgypte est alors
    importante par le biais de la cité-état jébusite de Jérusalem longtemps assujettie aux
    Egyptiens. Dans le Proche Orient ancien, chez les voisins dIsraël, le roi est
    " le choisi ", il recevait des dieux la sagesse, le savoir et la
    connaissance. 
    
      
          - En Egypte, pharaon
        est considéré comme le fils du Dieu dynastique, il possède
        Maat, la sagesse. Dans un pays illettré, les scribes, conseillers du pharaon, sont les
        maîtres à penser et certains connaissent une notoriété hors frontières (Imhotep vers
        2700). 
        - En Mésopotamie, le roi, même sil
        est un usurpateur, se présente comme étant de race royale. Chargé de faire exister une
        société juste, le roi doit veiller à lamélioration des diverses techniques qui
        faciliteront la vie des hommes et apparaît donc comme un don de la
        divinité. 
      
    
    En Israël, le roi participe à la sagesse divine. Les
    textes bibliques qui évoquent favorablement la sagesse royale datent de lépoque
    monarchique (10ième - 8ième siècle) : on peut citer 2 S 14,
    1 R 3-10 (dont le fameux jugement de Salomon en 1 R 3, 16-28) et les oracles
    dIsaïe. Comme en Egypte, les conseillers royaux sont présentés comme des sages.  
      
      Contestation
    de la sagesse royale.
    Ce qui est mis en cause cest le principe dune sagesse  politique se donnant à elle même ses propres critères. Dès le 10ième
    siècle, on perçoit une pensée inspirée par le Yahvisme mettant en cause la sagesse gouvernementale lorsquelle a pour règle lastuce. Elle apparaît dans les
    écrits donnés justement comme des documents de légitimation de la royauté (récits de
    la succession de David [exemple de 2 S 14 où les astuces de David
    ne sont pas appréciées par le Seigneur] ou récit du règne de
    Salomon [1 R 8 - 11]). Autre exemple en Gn 48, 17 - 19 où lastuce égyptienne doit
    sincliner devant les élus du Seigneur.
    Les prophètes mettent en cause l(agir des sages, des notables et des
    rois. Cest le cas  dAmos, dIsaïe,
    dEzéchiel. Isaïe est le plus marqué par le milieu des
    sages, déçu par les gouvernements, il vitupère, dénonce lhypocrisie de
    lEgypte ; prenant conscience de la présence active de Dieu, il est le premier
    à affirmer que Dieu est sage.
    Il se met à imaginer le roi de demain et resitue la sagesse royale dans sa
    fonction : réaliser parmi les hommes la
    crainte de Dieu qui seule peut permettre un gouvernement juste.
    La  chute de Jérusalem sonne le glas de la royauté en Israël, la sagesse perd toute relation avec le
    monde politique. La réflexion prend du recul : le Dieu dIsraël est aussi le
    maître et le créateur de lhistoire. Le second Isaïe exprime cette vision
    dune sagesse qui est lintelligence supérieure par laquelle Yahvé crée et
    gouverne lunivers. Le souverain ne la possède plus comme une prérogative mais doit
    la chercher, creuser pour connaître la sagesse. 
      
      La sagesse et la mort.
    En Egypte, la mise
    en cause de la sagesse dans sa capacité de conduire avec succès au bonheur apparaît
    lors de la période 2270 - 2050. Face à la mort inévitable, lattitude recommandée
    est de vivre quand même : profiter des bons jours,
    jouir de la vie.
    En Mésopotamie, léchec devant la mort est présenté au
    début du 2ième millénaire sous la forme dun affrontement
    sans issue entre le désir de lhomme et la volonté des dieux. Lépopée de Gilgamesh construite autour du thème
    " les dieux vivent toujours, pourquoi pas lhomme " montre la
    limite infranchissable que les dieux ont imposée aux hommes. Et quand lhomme
    parvient à avoir le secret des dieux à portée de sa main, il nest pas capable de
    le reconnaître (Gilgamesh se fait voler la plante acquise au prix de tant de peines). 
    Dans lAncien Testament, Gn 2 - 3 témoigne dune
    réflexion qui semble prolonger celle du grand poème de Gilgamesh, à la lumière de la
    foi Yahviste. Une vie heureuse est un don de Dieu à recevoir comme tel, ce qui implique
    la reconnaissance de Sa Sagesse comme règle de vie. Le serpent recommande : une
    sagesse qui permettrait à lhomme  dêtre
    comme les dieux (Gn 3, 5.22). Mais lhomme ne trouve au bout du
    compte que lui même, avec toute sa fragilité et les difficultés de sa condition
    mortelle. La quête dun savoir universel peut conduire à la désillusion, lidée de devenir comme Dieu nest que sottise. La seule vrai
    sagesse est celle qui reconnaît comme règle de vie
    la Sagesse de Dieu. Entre la démesure dune sagesse humaine
    qui se voudrait divine et la désillusion de cette sagesse quand elle se heurte à ses
    limites, il reste la voie de la foi et de
    lespérance, celle de la confiance faite à une Sagesse Divine
    qui reste impénétrable., sans être totalement inconnaissable ni inconnue.
    
      
           
      
    
      La Sagesse et la
    souffrance. 
    Les sages sumériens enseignaient que les  malheurs de lhomme sont le résultat
    de ses péchés. Le seul
    recours efficace est de glorifier son Dieu. A Babylone, les mythes présents maintiennent
    ladéquation souffrance = châtiment. Hors du Moyen - Orient, du 6ième au 4ième siècles, les
    tragiques, en Grèce, conseilleront la résignation.
    Ces différents courants ont constitué un trésor dans le quel
    lauteur du livre de  Job au 5ième siècle a largement puisé pour poser la question de la souffrance injustifiée. Job
    se plaindra à Dieu lui-même, cest avec son Dieu quil veut débattre, un Dieu
    auquel il affirme avoir toujours été fidèle et auprès de Qui il sait pouvoir trouver
    réponse. Par la méditation du monde créé, Job reconsidère tout ce qui le relie à
    Dieu, redécouvre les intentions dune Sagesse
    divine qui le dépasse et le déborde de toute parts. Il comprend
    que lhomme ne peut découvrir cette sagesse en explorant la terre, à aucun des
    niveaux de lunivers, lui qui ne peut dun
    seul regard en saisir la totalité. La seule sagesse est la crainte
    de Dieu.
      
      Au seuil de la Sagesse personnifiée.
    Lexpérience de lexil oblige le peuple dIsraël à
    sengager dans une voie originale : comment se fait-il quIsraël, peuple
    aimé de Dieu, soit tombé et nait plus dexistence ? 
    Les 9 premiers chapitres du Livre des Proverbes témoignent. La sagesse
    est un don de Dieu, si on pouvait être sage par soi même, Dieu par le fait serait
    éliminé. La sagesse est un  don opérant, pour obéir à la Loi. Mais pour avoir la sagesse, il faut obéir à la Loi. Il y a là une sorte de contradiction, dénigme. " Acquiers la
    sagesse, acquiers lintelligence ... principe de la sagesse : acquiers la
    sagesse ". (Pr 4, 5.7).
    La sagesse nest pas lapanage dune caste, elle est
    indispensable à tout le peuple ;  léducation permettra que tous aient la crainte de Dieu et respectent la Loi, elle fait en
    sorte que le don de la sagesse soit reçu. Pour que le jeune à éduquer puisse discerner
    le vrai du faux, il lui faut quelque chose qui vienne
    de Dieu même (mensonge et vilenie sont au cur de
    lhomme) et pénètre en lui pour le transformer : on lui proposera le recueil des Proverbes. La sagesse a une
    consistance, cest une réalité " quelque chose " qui vient en lhomme, mais qui
    nest pas lhomme, qui vient de Dieu, mais nest pas Dieu. | 
   
 
  
Extrait du Cahier Evangiles N° 28 
"Aux racines de la sagesse "  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
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