La Septante

La Bible grecque, la Septante, est la plus ancienne de toutes les versions ou traductions des textes hébraïques. Avec son avènement, on assiste à la première entreprise d'une traduction de la Bible dans une langue autre que la langue hébraïque. Depuis les origines jusqu'à aujourd'hui, la Septante est l'Ancien Testament des chrétiens d'Orient. Elle est encore aujourd'hui la Bible de l'Église grecque orthodoxe.

 

Un contexte culturel propice à sa naissance.

Très vite après la fondation d'Alexandrie par Alexandre le Grand (332 - 331 av J.C.) une population juive s'implanta et proliféra dans cette cité grecque.

La population juive de la Diaspora fut soumise à un bain constant et efficace de culture hellénistique. Elle adopta de façon décisive la Koiné, langue grecque banalisée, qui supplanta ainsi l'hébreu et l'araméen. [fait notable, Philon d'Alexandrie, juif d'Alexandrie contemporain du Christ, appelait le grec "notre langue"].

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Dès le milieu du 3ième siècle avant notre ère, les juifs d'Alexandrie entreprirent la traduction en grec, la langue de leur pays, de la Loi, écrite en hébreu. Des raisons légitimes qui tenaient tant à leur besoin cultuel - la lecture à la synagogue et la prédication - qu'à leur soucis de propagande (prosélytisme) les y poussèrent.

 

Les origines de la Septante.

Selon la lettre d'Aristée (2ième siècle av. J.C.), elle serait due à l'initiative du fondateur de la Bibliothèque d'Alexandrie, Démétrios de Phalère. Celui-ci suggéra au roi Ptolémée II Philadelphe (285 - 246) de demander au grand-prêtre de Jérusalem "des anciens compétents dans la science de leur Loi" pour la traduire en langue grecque. Les savants juifs doivent être 6 de chacune des 12 tribus d'Israël, au total 72. Mais Flavius Josèphe et certains Pères parlent de 70; d'où "la traduction des Septante", abrégée en "la Septante" et indiquée par le sigle LXX.

Le rôle de ce texte grec de la Bible juive fut déterminant dans le rôle d'hellénisation du monothéisme juif. C'était une ouverture sans précédent qui allait faire de la Septante la Bible méditerranéenne, juive puis chrétienne. Jusqu'à Saint Jérôme qui le premier, s'employa efficacement à la détrôner, la presque totalité de l'Eglise la considéra comme son Ancien Testament. Elle fut la Bible des auteurs du Nouveau Testament; ils puisèrent en elle leur langue et l'essentiel de leurs concepts. A l'exception de la Peshitta et de la Vulgate de saint - Jérôme, toutes les versions dites anciennes de la Bible furent réalisées à partir de la Septante.

Aussi n'est-il pas surprenant que les juifs de la Synagogue, exclusivement pharisiens après la destruction du Temple de Jérusalem en 70 ap. J.C., aient qualifié de néfaste - ce jour là il fallait jeûner -, à l'égal de la commémoration du veau d'or, le "jour" de la Septante. Selon une légende talmudique, les ténèbres auraient recouvert la terre en signe de châtiment lors de la traduction.

 

Le contenu de la Septante.

La Septante contient non seulement la version grecque des Écritures hébraïques, mais aussi des compositions originales. Elle est une véritable production Biblique et elle manifeste bien des écarts au texte hébraïque dit originel. Ces "plus" sont de deux ordres, quantitatifs et qualitatifs.

Les "plus" quantitatifs Les "plus" qualitatifs

Ces livres bibliques nouveaux constituent 2 extensions considérées différemment selon les Églises chrétiennes.

1ière extension:

Les livres reçus comme deutérocanoniques dans la tradition catholique et orthodoxe: Tobie, Judith, 1 et 2 Maccabées, Sagesse, Ecclésiastique (=Siracide), Baruch (+lettre de Jérémie) et des suppléments grecs d'Esther (chap 10 - 16) et de Daniel (chap 3, 24 -90; 13; 14)

2ième extension:

Les livres considérés comme non canoniques, appelés "apocryphes" selon la tradition catholique, et "pseudépigraphes" selon l'usage protestant: Esdras 1 et 4, 3 et 4 Maccabées, Odes, Psaumes de Salomon, Psaume 151.

Il s'agit ici de sens différent imputé à certains mots.

Psaume 16.

Le terme "fosse" est rendu par "corruption": ce qui permet à la lecture chrétienne des Actes des Apôtres (13,35) de voir dans ce texte une prophétie de la résurrection de Jésus.

Isaïe 7,14.

Le terme "alma", "jeune femme" est traduit par "vierge" (parthénos): source linguistique du dogme précoce de la naissance virginale de Jésus et facteur déterminant de son élaboration en récit dans la tradition évangélique. (Mt 1, 18-25).

Sur Isaïe 7, 14, voir le commentaire de Saint Jérôme, père de la Vulgate et promoteur de la "veritas hebraica".

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Les témoins de la Septante.

Papyrus et parchemins.

le papyrus Rylands (R 957) de la John Library de Manchester. Daté de 150 avant notre ère (à peine 100 ans après son commencement), c'est le plus ancien témoin de la LXX. On peut y lire environ 20 versets de Deutéronome.

le papyrus Fouad (R 942), au Caire. Daté de 50 avant notre ère, il contient des fragments du Pentateuque.

le papyrus Chester Beatty VI (R 963) à Dublin. Datant du 2ième ou du début du 3ième siècle, il contient Nombres et Deutéronome avec des lacunes. Le papyrus Chester Beatty IV, datant de vers 350, présente quelques versets de la Genèse.

 

Manuscrits en onciale.

Le texte de la Septante est accessible de façon quasi complète dans les trois grands manuscrits onciaux des 4ième et 5ième siècles: l'Alexandrinus, le Sinaïticus et le Vaticanus.

 

Manuscrits en minuscule.

On dénombre environ 1600 manuscrits de la Septante en minuscule, tous copiés entre le 9ième et le 16ième siècle.

 

 

L'autorité du texte des Septante.

Les textes chrétiens qui circulent au IIième siècle et qui constitueront plus tard le corpus constitué, délimité et reçu comme tel par les Églises, qu'on appellera Nouveau Testament, citent volontiers la Septante, mais pas exclusivement. Ils citent parfois un texte grec révisé, différent de celui de la Septante et plus proche de l'hébreu. Même si l'on ne doit pas en faire une généralité, certains de ces travaux de révision avaient pour but de soustraire la Bible à toute emprise chrétienne; la révision d'Aquila peut-être considérée comme un exemple typique, notamment par sa tendance à éliminer systématiquement le mot christos de cette traduction.

Justin [né au début du II ième siècle], dans ses fameux Dialogues avec Tryphon, expose que la méfiance des Juifs à l'égard de la Septante explique les révisions juives du texte grec traditionnel et les multiples retraits opérés au dépens du texte. Il les soupçonne de rejeter cette traduction vénérable parce qu'elle sert la lecture chrétienne des Écritures.

Justin - Dialogue 71, 1-2
[Extrait du supplément au Cahiers Évangile N° 77 - page 58]

" Et je ne fais pas confiance à vos docteurs qui ne reconnaissent point exacte la traduction que les soixante-dix vieillards firent auprès de Ptolémée roi d'Egypte, et essayent de faire eux-mêmes leur traduction. Il y a beaucoup Écritures qu'ils ont supprimées entièrement de la traduction faite par les vieillards de Ptolémée; elles montraient et proclamaient clairement que ce Jésus qui a été crucifié était Dieu et homme, qu'il fut mis en croix et mourut: il faut que vous le sachiez. [...] "

Bibliographie

  1. Cahier Évangile N° 14 - Intertestament - André Paul

  2. Cahier Évangile N° 102 - Les manuscrits de la Bible et la critique textuelle - Roselyne Dupont - Roc et Philippe Mercier.

  3. Supplément au Cahier Évangile N° 77 - A la naissance de la parole Chrétienne - Collectif

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